Entre four à pain, musette et rock n’ roll, la fête de la Montagne limousine monte en chauffe
Expédition à La Nouaille, vendredi soir. Un bourg du plateau de Millevaches où, jusqu »à dimanche soir, se tient une fête étonnante, placée sous le signe du mélange des genre et et des gens.
Coucher de soleil sur les hautes collines, ultimes braises d’un été andalou en Limousin. La voiture quitte l’axe Clermont-Limoges et s’engage sur l’une de ces routes qui vont toutes plus ou moins vers le sud. Elles sont étroites et s’entrelacent sans aucune hiérarchie entre elles. C’est déjà l’anarchie. Dans le halo des phares, un renard plonge dans les fougères. Des bois, encore des bois, pas plus de trois cents mètres de ligne droite à la fois et toujours pas un chat. On passe à Banize, on franchit la Banize, on frôle le domaine de Banizette on tombe sur un autre Banize et voilà La Nouaille. Il y a de la lumière.
Tout un quartier de Felletin délocalisé
Près du cimetière se dresse un chapiteau pointu. C’est le Mur de la mort. Il parait que des motards y tournent en rond durant des heures, tels des déments. Sur la scène, Vlad, le président autoproclamé du Vladkistan, harangue la foule. On se dit que ce qui est fou, c’est de tomber sur une fête en plein air et nocturne en cette saison, si loin de toute agglomération conséquente. Officiellement, ce n’est même plus l’été mais s’est laissé dire que sur la Montagne limousine, on ne raffole pas de ce qui est officiel.
Dans le coin, ils sont en tout cas habitués à slalomer la nuit entre les renards et les blaireaux. Il ne faut pas être rebuté par les routes qui donnent le tournis sur le plateau de Millevaches si l’on veut passer un moment en bonne compagnie.
Sur le parquet près de l’église, tournoie Jacques Georget, le maire de La Nouaille, en bonne compagnie.
C’est son camarade Luc Escoubeyrou, le maire de Banize, qui mène le bal avec un irrésistible trad-musette.
Dans le champ près du cimetière, tout un quartier de Felletin s’est délocalisé : les bécanes rugissent et les basses font trembler les feuilles, encore bien accrochées aux rameaux.
C’est le tour de chauffe de la fête de la Montagne limousine. La Nouaille n’a pas encore rallumé poêles et cheminées. Dans ses rues il y a des caravanes qui fument : crêpes, gaufres, soupes, rien que des produits locaux. Les meilleurs food trucks de la Montagne ont été convoqués, ainsi qu’une brigade de pizzaïolos déchaînés.
Vendredi soir, vers 22 heures, les boulangers du plateau sortaient leurs premières miches d’un four pas banal quoiqu’historiquement collectif : « Il se trouve sous la maison de mes grands-parents. Autrefois, on y faisait du pain pour sept familles », éclaire Jean-Marie Caunet, l’adjoint au maire, qui est aussi celui qui a fait lever la pâte de cette fête à La Nouaille.
Le four était éteint depuis cinquante ans
Ce four de village n’avait pas fonctionné depuis cinquante ans : « Jean-Marie nous l’a dérhumé depuis un mois et demi, c’est-à-dire qu’il en a chassé l’humidité », explique Nicolas Sibert, boulanger-paysan à Gentioux.
Nicolas a rameuté ses camarades boulangers qui « travaillent au levain naturel » à Meymac, Faux-la-Montagne, La Rochette ou Saint-Quentin-la-Chabanne pour une belle nuit de cuisson confraternelle. Le pain 100 % local qui est défourné depuis vendredi est vendu au profit de la fête. Dans le bourg de la Nouaille, les fenêtres et des portes étaient ouvertes, en cette belle nuit d’automne. Sur le Plateau de Millevaches, il faut brûler la belle saison par les deux bouts. Ne pas en perdre une miette. « Les gars de l’ACCA m’ont dit qu’ils iraient chasser loin du bourg ce week-end », sourit Jean-Marie Caunet. Il se pourrait même qu’on voit quelques chasseurs trinquer avec des jeunes venus d’ailleurs autour d’une Felis ou d’une 1.000. Car s’il y a un sujet qui fait consensus, c’est que ces « néos », ils font du bon pain et de la bonne bière. En outre, ils savent assembler les ressources et énergies locales pour faire la fête.
Julien Rapegno